Chers apprentis auteurs et amoureux des Lettres, je vous salue !
Vous avez peut-être senti, même à travers mes mots, l’enthousiasme que j’éprouve. Et ce n’est pas seulement parce que cet article sera sans doute le dernier de cette année ; mais aussi à cause du thème qui nous réunit aujourd’hui.
Je me régale d’avance à l’idée d’aborder le sujet de cet article, sujet qui me tient particulièrement à cœur : la multiplication des points de vue dans un roman.
Les points de vue, j’en ai déjà parlé dans un précédent article. Maintenant, nous passons à quelque chose de bien plus… exaltant.
Comment, dans un même roman, varier le type de focalisations ? En somme, comment passer d’une focalisation interne à une focalisation externe, et ainsi de suite ? En réalité, la chose n’est réellement pas compliquée. Mais pour mieux l’illustrer, je vais prendre l’exemple de mon propre roman (souffrez que je fasse preuve d’un peu d’égocentrisme).
Les Filles de la Table 4 ½, ça parle de quoi ?
Mon roman est une histoire qui raconte le quotidien de quatre amies, la vingtaine entamée, dans la ville de Douala au Cameroun, et ce tout au long de l’année 2011.
Une histoire d’amitié bien sûr, mais j’avais l’ambition de donner un éclairage sur le climat du pays tout au long de cette année riche en événements aussi bien internationaux (Printemps Arabe notamment), que nationaux (élections présidentielles).
Néanmoins, j’ai gardé l’accent sur les histoires personnelles de mes personnages, la Grande Histoire se contentant de servir de toile de fond.
Pour ceux que cela intéresserait, mon roman, publié aux Éditions du Net est disponible sur Amazon, aussi bien en papier qu’en eBook.
Après ce petit résumé, passons au thème de l’article d’aujourd’hui: la multiplication des points de vue ou des focalisations dans un même roman.
1. Pourquoi varier les focalisations dans un roman (cas du roman « Les Filles de la Table 4 ½ ») ?
Au tout début de mon roman, et ce pendant pratiquement une centaine de pages, on alterne la focalisation interne du personnage de Gigi avec les focalisations externes des autres personnages principaux, à savoir ses trois autres amies: Fred, Emma et Noémie.
Ainsi, pendant que dans les paragraphes destinés à Gigi on remarque l’emploi du « je », dans ceux destinés aux autres filles c’est plutôt une focalisation externe qui prévaut, marqué par l’emploi du « elle ». Mais cela ne dure pas tout le roman.
Ensuite la focalisation interne change de personnage, et le « je » revient à Noémie tandis que les sous-parties évoquant Gigi et les deux autres filles se dévoilent dans une focalisation externe. J’imagine que tout ça peut sembler assez confus, mais ça ne l’est pas (non, vraiment pas).
Le choix de la focalisation à utiliser dans mon roman a été une des questions les plus difficiles auxquelles il m’a fallu répondre. Pourquoi j’ai opté pour un mélange de points de vue, alternant la focalisation interne et externe et changeant de personnage d’une partie à une autre ?
Réponse : parce que je ne voulais pas d’une héroïne, mais de quatre ; tout en voulant donner parfois une vision plus globale (moins subjective) de mon histoire.
Mon objectif était que chacun de mes personnages principaux soit connu de façon profonde par les lecteurs, et qu’aucun ne soit laissé pour compte. Alors, j’ai en quelque sorte décidé d’offrir à chacune sa place sur les projecteurs (même si pour ce qui est des deux autres personnages, il faudra attendre les deux autres tomes).
La focalisation interne m’a permis non seulement de faire connaitre les pensées et l’intimité des personnages, mais aussi leur vision du monde. Ensuite, la focalisation externe m’a aidé à donner une autre perspective à ceux-ci. En plus de connaitre la psyché de mes quatre héroïnes, je trouvais intéressant d’avoir une vue plus objective sur chacune d’elle, et de laisser un peu ici le lecteur se faire son propre avis.
Il faut savoir pourquoi vous voulez varier de points de vue. On peut le faire pour plusieurs raisons.
- Mon objectif était double. En premier, je voulais donner autant d’importance à chacune de mes 4 héroïnes. Ainsi, chaque fois qu’une de mes héroïnes était en focalisation interne, le texte avait un ton particulier; à savoir le sien. En second, je ne voulais pas que les lecteurs vivent l’histoire uniquement du point de vue de mes personnages principaux. Seule l’alternance, focalisation interne-focalisation externe, me permettait de réussir les deux.
- Dans certains romans d’enquête ou de polars, l’auteur choisit de varier les points de vue pour donner au lecteur un changement de perspective. On passe ainsi d’une focalisation interne (donc subjective) sur une scène, qui ne donne pas d’autres détails que ceux du personnage concerné (peut-être l’enquêteur) ; à une focalisation externe, voire même zéro, peut-être même sur la même scène, qui donne une vue extérieure, puisque non attachée uniquement à ce qu’un personnage sait. Ce type de changement permet d’avoir un regard plus vaste sur l’enquête ; plus de détails, de suspects et ainsi, tout à la fin, d’amener doucement le lecteur vers la résolution du crime.
2. Comment multiplier les points de vue?
Lorsque l’on sait ce qu’apporte chaque point de vue, il devient aisé de jouer avec. Quelques règles néanmoins, pour vous aider si jamais vous voulez varier les focalisations dans un roman.
- Faites des démarcations entre les points de vue: Si un de vos personnages était en focalisation interne, et que brusquement on se retrouve avec une focalisation externe (si on passe du « je » au « il »), cela aura vite fait d’embrouiller vos lecteurs. Sautez des lignes, notez le commencement d’un nouveau chapitre ou écrivez à chaque changement le nom du personnage engagé dans l’action (c’est ce que j’ai fait). Quoi que vous décidiez de faire, soyez sûr que vos lecteurs comprendront vos changements de focalisations ; pareil s’il y a des évolutions importantes de temps ou des changements de lieu. Faites en sorte que cela soit clair.
- Faites attention à la conjugaison: Eh oui, c’est génial l’inspiration. Mais l’exprimer avec des erreurs de concordance de temps, ce n’est pas l’idéal. En réalité, avec les focalisations externe et interne, la chose est assez simple. Le passé simple et l’imparfait sont les temps habituellement utilisés dans les romans, notamment en focalisation externe et interne. Mais si la focalisation zéro intervient, celle qui en sait autant sur le passé que sur le futur, là il faut faire preuve de vigilance. Voyons tout de suite comment.
Attention à la focalisation zéro !
Là où les choses peuvent se compliquer, c’est lorsque l’on alterne la focalisation zéro avec une autre. La chose est assez rare, mais comme je l’ai déjà dit en écriture, rien n’est vraiment interdit. Comme nous l’avons dit dans un article précédent, la focalisation zéro représente omniprésence, ce qui n’est le cas d’aucune des deux autres. Il faut donc, dans ce cas, prêter une attention particulière aux informations qu’on distribue. Il faut faire attention de ne pas faire évoquer à un personnage des faits qu’il ne pouvait absolument pas connaitre, peut-être liés à son avenir ou à des choses qu’on lui aurait caché.
N’oubliez pas que comme pour tout ce qui concerne votre roman, votre décision de varier les focalisations est personnelle, et doit répondre à ce que vous souhaitez évoquer dans votre roman, aux émotions et aux événements que vous souhaitez partager et à la façon dont vous souhaitez le faire.
Varier les focalisations permet de donner différents tons au même texte, différentes atmosphères. C’est un ingrédient qui, bien utilisé, peut donner une touche particulière à votre roman, alors pensez-y.
Je crois qu’on a fait le tour, du moins dans les grandes lignes, de ce sujet. Heureusement (ou malheureusement, selon le point de vue), il n’y a qu’en écrivant qu’on découvre certains obstacles, qu’on réalise qu’on n’a pas pensé à certaines choses, et surtout qu’on se surprend soi-même et qu’on peut être surpris par sa propre histoire.
Et vous, avez-vous déjà pensé à varier les focalisations dans vos textes? Si oui, de quelle façon? Je serai ravie d’en apprendre plus avec sur vos propres expériences littéraires.
Je vous souhaite à tous de très belles fêtes et espère vous retrouver en 2020, la tête pleine de projets d’écriture !