Peu de choses caractérisent autant un roman que ses personnages. Lorsqu’on pense à un roman qu’on a aimé, on pense presque toujours immédiatement aux personnages qu’on y a découverts.
Qui pense à 20 000 lieues sous les mers pense au Capitaine Nemo, qui pense à Orgueil et Préjugés pense à Mr Darcy ou à Élisabeth Bennett, qui pense à la petite fille du réverbère pense à Tapoussière.
C’est ainsi, et très souvent c’est de ces personnages que dépendra notre ressenti avec l’histoire qui nous sera racontée. Prendrons-nous ceux-ci au sérieux, en pitié, en affection ? Arriverons-nous à nous identifier à eux, à les trouver crédibles ? Ce sont ces questions que se pose tout écrivain durant son travail d’écriture ; le lien que les lecteurs parviendront (ou pas) à tisser avec ses personnages.
Alors, amis apprentis écrivains et amoureux des Lettres, qu’est-ce qui fait que le lecteur s’attache à un personnage ?
Au début, j’avais envie de dire son « humanité », mais on a tendance à attribuer des qualités particulières aux personnages dits humains. Qualités qui ne sont pas forcément nécessaires pour des personnages de roman mémorables. Hannibal Lecter n’est pas le personnage le plus humain que la littérature ait connu, mais il n’en ait pas moins une véritable réussite.
La crédibilité. Un personnage crédible est un personnage dont les réactions auront du sens pour les lecteurs, parce que celles-ci seront en accord avec la personnalité et l’histoire de ce dernier.
La crédibilité est donc fonction du travail que vous aurez accompli au préalable dans l’édification de votre personnage. C’est donc par cela que nous allons commencer, par les différents points qui permettent la création d’un personnage de qualité.
Comment créer un personnage de roman de qualité ?
Vos personnages n’ont pas besoin d’être exceptionnels pour être de qualité. Ils ont juste besoin d’être réalistes. Le travail de la construction d’un personnage est ainsi largement lié au contexte dans lequel celui-ci vit et évolue.
On est tous d’accord pour dire qu’un personnage qui aurait grandi dans un pays en guerre et aurait connu la souffrance et la famine n’aura pas la même vision du monde qu’un personnage ayant vécu dans l’opulence. Néanmoins, rien n’est figé. Il y a des optimistes dans les pires endroits de la planète et des pessimistes dans les meilleurs. Là encore, c’est à vous de voir.
Voici tout de même une petite liste d’éléments à ne pas oublier pendant la création de vos personnages.
1. Passé.
Le passé c’est ce qui fait en grande partie de nous qui nous sommes. Les endroits où nous avons grandi, les situations dans lesquelles nous nous sommes retrouvés, les leçons que nous en avons tirées. Où votre personnage est-il né ? Dans quelle ambiance a-t-il vécu ? Quels évènements l’ont marqué (mort d’un proche, déménagement, accident) ? A-t-il eu une enfance heureuse ? Vous devez connaitre le passé de votre personnage, même si vous ne le relevez que partiellement à vos lecteurs. C’est souvent ce qui déterminera, chez ce dernier, sa vision du monde.
2. Famille et amis.
Ce point rejoint largement le précédent. La famille qui a élevé votre personnage et la manière dont il a été élevé sont autant d’éléments qui vous permettront d’expliquer certains traits de son caractère. Une mère sévère contre laquelle il se serait rebellé, ou au contraire qui lui aurait totalement inculqué sa vision du monde ; à vous de voir.
Les amis ont ceci de particulier qu’ils relèvent d’un choix personnel, contrairement à la famille. Vous savez ce qu’on dit : « Les amis sont la famille qu’on s’est choisie. » À travers les amis de votre personnage, vous laisserez entrevoir une partie essentielle de la personnalité de celui-ci. À quel groupe choisit-il d’appartenir ? Quelle place y occupe-t-il ? Est-il un leader, un médiateur, le clown de sa bande ? Pourquoi ? Qu’est-ce que cela dit de lui ? Amitié toxique ou bienveillante, l’amitié est un moyen efficace d’apporter un éclairage sur la personnalité d’un individu.
3. Personnalité et vision du monde.
La personnalité se définit, dans les grandes lignes, comme l’ensemble des traits de caractère d’un individu, ce qui fait de lui quelqu’un de spécifique. Bien que largement influencé par les deux points précédemment évoqués, c’est à vous de déterminer la personnalité de votre personnage.
C’est aussi de cette personnalité que sera issue sa vision du monde. Optimiste, réaliste, pessimiste, ni l’un ni l’autre ; le choix vous appartient. Tout ce que vous décidez peut se justifier. Il y a autant de raisons pour un personnage ayant connu un drame de devenir humaniste que tueur en série. L’essentiel est que vos lecteurs retrouvent cette vision du monde dans les choix et les décisions de votre personnage, et dans le cas échéant de justifier valablement ses changements de personnalité.
4. Qualités et défauts.
Qui dit personnalité, dit obligatoirement qualités et défauts. Bien sûr, vous l’aimez votre héros, mais si vous voulez que le commun des mortels puisse s’identifier à lui, il faut bien lui donner quelques défauts pour rehausser le tout. Il est important de noter que les personnages les plus exceptionnels, ont souvent les défauts de leur talent.
Le personnage de Spock dans Star Trek par exemple, est doté d’un esprit logique d’une rare acuité qui, paradoxalement, complique sa compréhension des émotions humaines.
Une astuce pour doter votre personnage de défauts, c’est de les tirer de ses qualités.
Quelqu’un de très confiant peut facilement devenir arrogant, celui doté d’une grande intelligence peut développer un sentiment de supériorité, et quelqu’un de prévenant peut finir par devenir étouffant.
Mais tout cela n’est qu’un exemple. Des défauts, nous en avons tous, l’essentiel est, comme toujours, de rendre le tout crédible, et d’aller dans le sens de la personnalité.
5. Les détails qui font la différence.
Ici, je veux parler des petites choses que vous pouvez ajouter pour rendre votre personnage plus attachant. Un don pour la cuisine, une habitude de se ronger les ongles ou de chanter du zouk chaque fois qu’il/elle est nerveux/se, une peur des araignées ou une phobie de l’altitude, une allergie au lactose, une passion pour les bérets… lâchez-vous ! Ce genre de petits détails apporteront de la substance à votre personnage.
6. Les traits physiques.
Et oui un personnage, c’est aussi un corps, une taille, un visage. Personnellement, je suis fan des descriptions de personnages, tant qu’elles ne sont pas trop longues. Donner une idée générale d’une apparence est habituellement suffisant, en insistant sur les traits physiques les plus marquants (cicatrices, yeux vairons, maigreur…). Les trop longues descriptions ont tendance à fatiguer les lecteurs. Néanmoins, pour votre propre connaissance, je vous conseille de créer une fiche personnage. Celle-ci regrouperait des éléments physiques (taille, poids, cheveux, style vestimentaire…), mais aussi des éléments plus psychologiques (voix forte, grave ou aigüe, humour, hobbies, rêve d’enfant…). Vous pouvez détailler une fiche autant que vous le voulez, ce qui ne vous oblige pas à utiliser dans votre roman tous les éléments qui y figureront.
7. Évolution du personnage.
Au fil du développement de votre intrigue, vos personnages seront normalement confrontés à des évènements qui devront les faire changer. Un personnage qui ne change pas, sauf quelques rares exceptions, est un personnage qui stagne, et qui risque de devenir trop prévisible pour vos lecteurs. Certains changements sont profonds, tandis que d’autres sont plus légers, plus subtils. Tout cela dépend du personnage, de son histoire, mais surtout, de vous.
Pensez-y. Ne laissez pas vos personnages exactement dans le même état d’esprit que celui qu’ils avaient au début de votre récit. Une astuce pour montrer leur évolution, c’est de les mettre dans une situation similaire à une qu’ils auront déjà connue plusieurs chapitres auparavant, et de les faire réagir différemment. Vos lecteurs réaliseront mieux (s’ils ne l’avaient pas déjà fait), les changements opérés chez votre personnage.
Pourquoi pas une fiche personnage?
Pour votre propre connaissance, créer une fiche personnage peut s’avérer une idée judicieuse. Vous pourrez la diviser en plusieurs sections, et regrouper non seulement des éléments physiques (taille, poids, cheveux, style vestimentaire…), mais aussi des éléments plus psychologiques (voix forte, grave ou aigüe, humour, hobbies, rêve d’enfant…). Vous pouvez détailler une fiche autant que vous le voulez, ce qui ne vous oblige pas à utiliser dans votre roman tous les éléments qui y figureront.
Une dernière chose : le travail d’un personnage dépend aussi largement de sa place dans votre histoire. Vous ne travaillerez pas vos personnages principaux de la même façon que vous le ferez de vos personnages secondaires, et vous n’évoquerez même rien sur ce chauffeur de taxi qui dans votre chapitre 3 dépose un de vos personnages dans un carrefour.
C’est un problème que j’ai souvent eu, le besoin de travailler trop de personnages, l’envie de donner trop de détails. Sachez déterminer lesquels de vos personnages nécessitent une étude en profondeur, lesquels un travail plus superficiel, et ceux sur lesquels vous n’avez même pas à vous attarder.
De plus, si vous écrivez une nouvelle, la création de vos personnages sera différente. Comme nous le verrons dans un autre article consacré à l’écriture d’une histoire courte.
Voilà, nous avons vu l’essentiel. Maintenant à vous de jouer et comme toujours, bonne chance !