Tout savoir sur l’Afrofuturisme en littérature

Lorsque j’ai voulu mettre cet article en ligne, j’ai réalisé que cela faisait pratiquement une année que je n’avais rien publié 😅

La régularité n’est manifestement pas mon fort, chose à laquelle j’ai l’intention de remédier au cours des prochains mois.

Aujourd’hui, je vous invite à poursuivre notre immersion dans le monde des textes de l’imaginaire, en évoquant un thème qui me tient particulièrement à cœur : l’Afro futurisme.

Peut-être en avez-vous déjà entendu parler sans trop savoir ce que c’est. À moins que ce mot ne vous soit totalement inconnu. Vous pouvez aussi faire partie des connaisseurs qui ne vivent que pour les romans d’Afro futurisme. Quelle que soit la catégorie à laquelle vous appartenez ; avec cet article vous en apprendrez définitivement plus.

L’afro futurisme est un genre en pleine expansion, avec de plus en plus d’auteurs d’origine africaine engagés dans le processus. En tant que romancière africaine fan de romans de science-fiction et de fantasy, je n’avais pas d’autres choix que d’écrire dessus.

Si vous êtes prêts, commençons tout de suite.

C’est quoi l’Afro futurisme ?

Globalement, l’Afrofuturisme un courant artistique. On le retrouve aussi bien dans les arts visuels, dans la musique, que dans la littérature. En tant que genre littéraire, l’Afro futurisme explore les cultures afro-américaine et africaine, ou plutôt les redéfinit, sous le prisme de la science-fiction ou de la fantasy.

Dans ce genre, vous pouvez retrouver des romans d’uchronie dans lesquels l’histoire de l’Afrique est revisitée ; aussi bien que des romans d’anticipation, dans lesquels des éléments culturels africains (religions, vêtements, art…) sont imprégnés de technologie postmoderne.

Dans ce genre, vous pouvez retrouver des romans d’uchronie dans lesquels l’histoire de l’Afrique est revisitée ; aussi bien que des romans d’anticipation, dans lesquels des éléments culturels africains (religions, vêtements, art…) sont imprégnés de technologie postmoderne. Aujourd’hui, l’exemple le plus parlant est sans doute le film Black Panther. L’histoire tient place dans un pays africain ultra-moderne, qui pourtant reste ancré dans ses traditions, grâce à ses rites et son style vestimentaire.

Si pour l’instant, vous avez un peu de mal à saisir le concept, avec ce petit cours d’histoire, je suis sûre que vous comprendrez mieux (promis, ce ne sera pas long).

Ça vient d’où « Afro futurisme » ?

L’histoire raconte que l’afro futurisme est une création du journaliste et écrivain Mark Dery en 1993. On réalise que, comparativement aux autres grands genres de l’imaginaire, le terme est assez récent.

Mark Dery imagine un mot pour qualifier les discussions, que la scientifique Afro-Américaine Alondra Nelson avait initiées vers le début des années 90. Ces échanges éclairés mêlaient science, liberté, art, culture, réalité sociale, espace…

Imagination, technologie/magie et culture sont les piliers des œuvres d’afro futurisme. Il s’agit pour les auteurs de mettre en avant l’histoire Noire, en y associant des éléments scientifiques.

Si je devais résumer, je dirais que l’Afro futurisme a l’ambition d’introduire dans l’univers de la science-fiction et de la fantasy, la culture africaine et afro-américaine, sans pour autant lui faire perdre son essence.

La technologie/magie peut servir de pont entre un passé dramatique et un meilleur futur, redéfinir le passé des Noirs tel que nous le connaissons ou servir à réinterpréter les codes culturels africains.

Si je devais résumer, je dirais que l’Afro futurisme a l’ambition d’introduire dans l’univers de la science-fiction et de la fantasy, la culture africaine et afro-américaine, sans pour autant lui faire perdre son essence. La race, de même que la notion d’appartenance raciale ou encore d’assimilation ; sont des thèmes qui reviennent souvent dans ces romans.

Les textes d’afro futurisme ne se limitent donc pas à des romans de science-fiction et/ou de fantasy avec des personnages noirs. Ce n’est de ce fait pas parce que Harry Potter aura les cheveux crépus que les romans de J.K Rowlings deviendront automatiquement de l’Afro futurisme.

Il faut plus que des personnages noirs, il faut que les avancées technologiques et les éléments de l’identité culturelle Noire et afro-américaine, se mélangent de manière homogène, sans que l’un prenne l’ascendant sur l’autre.

L’idée pour les auteurs afro-futuristes est de sortir d’une vision strictement occidentale de la science et de la magie ; et avec les cinq romans que je vais vous présenter, vous réaliserez que ça marche plutôt bien.

Top 5 des meilleurs romans d’afro futurisme

Après cette petite plongée dans l’histoire de l’afro futurisme, je vous propose de découvrir certaines des œuvres et des auteurs qui ont donné ses lettres de noblesse au genre. Malheureusement, je n’ai lu que très peu de romans de cette catégorie, aussi, je ne pourrai pas toujours vous donner mon avis objectif sur la question.

Pour établir cette liste, j’ai néanmoins effectué des recherches poussées et je me suis basé sur les résumés et les critiques des lecteurs de chacun des romans. L’ordre dans lequel ils apparaissent n’est en aucun cas une hiérarchisation et par souci de précision, les romans que je vais citer conserveront leurs titres originaux. Commençons donc !

1.         Binti, Nnedi Okorafor

Binti de Nnedi Okorafor

Ce roman court de Nnedi Okorafor raconte l’histoire d’une jeune fille, Binti, une Himba destinée à prendre la suite de son père dans sa boutique d’astrolabes. Bien qu’ancrée dans les traditions de son peuple, Binti est aussi un génie des mathématiques. Ses dons lui permettent de décrocher une place dans l’université interplanétaire Oomza.

Bien qu’ancrée dans les traditions de son peuple, Binti est aussi un génie des mathématiques. Ses dons lui permettent de décrocher une place dans l’université interplanétaire Oomza.

Pendant le trajet dans l’espace pour gagner la prestigieuse institution, le vaisseau de Binti se fait attaquer par des Méduses, une espèce extraterrestre ennemie de longue date des humains.

Nnedi Okorafor est une romancière nigériane. J’ai la naïveté de croire que lorsqu’elle évoque dans son œuvre les difficultés d’adaptation de son personnage, les problèmes de racisme qu’elle connait dans une université pour élite ; il y a un peu de sa propre expérience dans ce récit. Binti est un roman court que malheureusement, je n’ai pas encore eu l’occasion de lire. Premier tome d’une trilogie, il a remporté deux des plus prestigieux prix de la littérature de science-fiction, à savoir le Prix Nebula et le Prix Hugo en 2015. Si l’occasion vous est donnée de le lire, ne la manquez surtout pas.

2.         Dawn, Octavia Butler

Dawn, Octavia Butler

Dans ce roman d’Octavia Butler, nous suivons Lilith Ipayo, une jeune femme afro-américaine qui vient de perdre mari et enfant au moment où le feu atomique ravage l’ensemble de la planète.

Des siècles plus tard, elle se réveille à l’intérieur d’un vaisseau extraterrestre appartenant aux Oankali. Ces derniers sont arrivés juste à temps pour sauver l’humanité de la destruction, et les ont gardés endormis pendant des centaines d’années.

Les humains réveillés, guidés par Lilith, peuvent désormais quitter le vaisseau pour une planète viable. Mais les Oankali sont un peuple qui ne peut survivre qu’en fusionnant leur patrimoine génétique avec celui d’autres espèces.

Les humains réveillés, guidés par Lilith, peuvent désormais quitter le vaisseau pour une planète viable. Mais les Oankali sont un peuple qui ne peut survivre qu’en fusionnant leur patrimoine génétique avec celui d’autres espèces. C’est ce qu’ils proposent aux humains : une sorte de fusion biologique pour donner naissance à une toute nouvelle espèce, mi-humaine mi-Oankali.

Nous connaissons assez l’humanité pour savoir que ce n’est pas une proposition qui est passée comme une lettre à la poste.

On ne peut décemment parler d’Afro futurisme sans évoquer Octavia Butler. C’est la reine incontestée du genre. Ce roman est le premier d’une trilogie nommée Xénogenesis. Dans cette œuvre, Octavia Butler met en avant les thèmes du racisme et de l’intégration. Cette fois, c’est la race humaine dans son entièreté qui fait face à une espèce qui lui est supérieure. Le métissage est considéré par les Oankali comme un moyen d’évolution, en mesure d’exploiter les forces de chaque espèce. On est en plein génie génétique, et cette œuvre date pourtant des années 80 ! Dire qu’Octavia Butler était en avance sur son temps… et bien, c’est encore être en dessous de la vérité.

3.         Les Abysses, Rivers Solomon

Les Abysses, Rivers Solomon

Rivers Solomon raconte dans « Les Abysses » (The Deep en anglais), l’histoire d’un peuple vivant dans les profondeurs des océans, appelé les Wajinru. Ces derniers sont les descendants des enfants que portaient les femmes enceintes noires, au moment où elles ont été jetées dans les eaux, durant la période de l’esclavage.

Le personnage principal de cette œuvre est Yetu, une historienne qui est la mémoire de son peuple. C’est à elle, et à elle seule, que revient la charge de se souvenir des siècles d’existence des siens. Tous ses souvenirs, douloureux comme merveilleux, pèsent dans l’esprit de la jeune femme.

L’histoire d’un peuple vivant dans les profondeurs des océans, appelé les Wajinru. Ces derniers sont les descendants des enfants que portaient les femmes enceintes noires, au moment où elles ont été jetées dans les eaux, durant la période de l’esclavage.

La loi des Wajinru permet à l’historienne de rendre les souvenirs à son peuple pendant trois (3) jours seulement. Durant cette période, Yetu décide d’explorer le monde extérieur.

Il y a énormément de choses qui m’ont fait insérer ce roman dans la liste. En premier, j’ai trouvé audacieuse et très intelligente l’idée selon laquelle des femmes esclaves, jetées comme de vulgaires déchets dans les eaux, aient pu être à l’origine d’une civilisation de sirènes. Le côté surréaliste mis à part, ça ne manque pas de sens.

Ensuite, l’idée d’une histoire trop douloureuse à porter pour tout un peuple, est intrigante et plutôt fascinante. Le roman m’a un peu rappelé une autre œuvre de science-fiction portée avec talent au grand écran : « Le Passeur« , de Lois Lowry. « Les Abysses » pose la question de l’importance, mais aussi du danger de l’histoire d’une civilisation. La limite peut se révéler très fine lorsqu’il s’agit d’un passé douloureux, entre les leçons à en tirer et le désir de vengeance. Le roman exprime la nécessité pour une civilisation de ne pas oublier son histoire, aussi traumatisante soit-elle ; mais sans demeurer englué dans celle-ci.

4.         De sang et de rage, Tomi Adeyemi

Children of Blood and Bone, Tomi Adeyemi

Orïsha est un pays imaginaire, que l’on pourrait apparenter au Nigéria Précolonial. Dans ce territoire régnait autrefois la magie. Celle-ci était détenue par les Maji, un groupe minoritaire. Inquiet du pouvoir de ces derniers, le roi ordonna un jour un raid, au cours duquel il les fit pratiquement tous exécuter.

Le récit commence des années plus tard, alors que le peuple des Maji, qui se distingue par ses cheveux argentés ; est soumis au pouvoir en place. Zélie, une jeune Maji, se retrouve embarquée dans une aventure pour faire revenir ce pouvoir dans le royaume, avec son frère ainé et la fille du roi.

L’aventure est au rendez-vous dans ce roman que j’ai eu le plaisir de découvrir il y a plusieurs mois. L’autrice nous entraine dans une épopée fantastique pour la restauration de pouvoirs ancestraux, qui effraient et terrifient ceux qui en sont dépourvus. J’ai aimé le fait que ce soit un texte porté par plusieurs voix, je suis une fan de multiples focalisations, comme tous les lecteurs de mon roman « Soeurs de Coeur » ont pu le découvrir. Zélie n’est pas le seul personnage à s’exprimer, ce qui donne non seulement plus de profondeur au texte, mais aussi plus de contexte.

Orïsha est un pays imaginaire, que l’on pourrait apparenter au Nigéria Précolonial. Dans ce territoire régnait autrefois la magie. Celle-ci était détenue par les Maji, un groupe minoritaire.

L’acceptation de l’autre et la peur de la différence sont les thèmes au cœur de ce roman de Tomi Adeyemi. Ce texte n’est pas une conversation sur l’esclavage interraciale, mais met bien en avant le fait que la domination et la peur ne sont pas les faits d’une couleur de peau en particulier.

« Le destin d’Orïsha tome 1 : De sang et de rage » (Children of Blood and Bone en version originale) est le premier tome d’une trilogie. D’après certains médias, un projet de film serait d’ailleurs en train d’être développé.

5.         Le Tambour du Dieu Noir, P. Djeli Clark

Le Tambour du Dieu Noir, P. Djéli Clark

L’histoire se déroule dans une version alternative de la Nouvelle-Orléans, prise dans les conflits de la guerre civile américaine. L’héroïne, Creeper, est une jeune fille qui veut quitter les rues pour gagner le dirigeable Midnight Robber. Pour cela, elle donne des informations au capitaine Ann-Marie sur un scientifique haïtien enlevé et une arme : « Le Tambour du Dieu Noir. »

Mais Creeper n’est elle-même pas exempte de secrets et de mystère, puisque l’Orisha (Dieu Africain) Oya, divinité des vents et des tempêtes, parle dans sa tête.

Bientôt, tout ce petit monde est embarqué dans une aventure exaltante pour empêcher la Nouvelle-Orléans de sombrer.

Dans ce roman au style steampunk, Haïti a réussi à se délivrer de la domination française en utilisant une arme appelée The Black God’s Drum, ou encore le Tonnerre de Shango (Orisha de la Foudre et du Tonnerre). Cette arme mystique était en mesure de créer des tempêtes.

Dans ce roman au style steampunk, Haïti a réussi à se délivrer de la domination française en utilisant une arme appelée The Black God’s Drum, ou encore le Tonnerre de Shango (Orisha de la Foudre et du Tonnerre). Cette arme mystique était en mesure de créer des tempêtes, et permit aux îles des Caraïbes de se libérer de la colonisation.

Rien qu’en m’arrêtant sur ce petit détail, je peux comprendre le succès de cette novella. Il est toujours intéressant de découvrir des textes alternatifs sur l’histoire des Noirs, et c’est l’une des choses que je préfère dans l’afro-futurisme. Dans ce roman court, l’auteur mêle technologie et mythologie. Car pendant que nos héros sont en connexion avec des dieux africains aux grands pouvoirs, ils se retrouvent confrontés à la technologie, notamment drapeto, un gaz psychoactif que les États Confédérés d’Amérique utilisent pour contrôler les esprits de leurs esclaves.

Que ce serait-il effectivement passé, si durant l’esclavage, les pouvoirs mystiques africains et les divinités noires, avaient démontré leur puissance ? C’est une question que P.J. Djéli s’est manifestement posée, et à laquelle il a donné une réponse plus qu’intéressante.

Voilà, notre petit voyage dans l’univers de l’Afro futurisme s’arrête ici pour le moment. J’espère comme moi que cette petite excursion a fait germer dans vos esprits des images de dieux Noirs et de sirènes à la peau ébène.

L’ Afro futurisme ne s’adresse pas qu’aux Noirs et aux Africains. Comme tous les genres littéraires, c’est une ouverture vers une autre réalité, à laquelle tout le monde est invité. Une invitation que j’espère que vous saisirez avec la sortie de ma dernière oeuvre… « Le Dresseur de Fauves ».

Sortie de mon premier roman de fantasy/science-fiction: « Le Dresseur de Fauves »

Le Dresseur de Fauves, Pam Ndjen

Les derniers articles que j’ai écrit à ce sujet ne sont pas totalement sortis de nulle part. Je fais moi aussi mon excursion dans le monde des textes de l’imaginaire, avec la sortie de mon roman « Le Dresseur de Fauves« , déjà disponible sur Amazon ☺️.

C’est un roman court, une novella qui raconte l’histoire de la chasse rituelle d’un petit garcon du nom de Lejøno. S’il est vrai qu’il y a une influence afrofuturiste dans ce texte, j’ai puisé dans bien d’autres groupes culturels.

C’est un roman court, une novella qui raconte l’histoire de la chasse rituelle d’un petit garcon du nom de Lejøno. S’il est vrai qu’il y a une influence afrofuturiste dans ce texte, j’ai puisé dans bien d’autres groupes culturels. Mais je vais m’arrêter là… Bientôt j’ouvrirai un onglet spécialement consacré à cet univers, et vous pourrez en apprendre plus sur mon travail.

Comme toujours, je vous souhaite bonne chance dans vos futurs projets, qu’ils soient littéraires ou autres.

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